Lyon Place Financière et Tertiaire

Publié le 05/11/2019

Synthèse conférence Patrick Artus – Faut-il craindre une récession ou une crise ?

Invité par Lyon Place Financière et Tertiaire grâce au concours de Natixis, Patrick Artus avait choisi un titre un brin provocateur « faut-il craindre une crise ou une récession ? » et qui avait attiré une salle comble.

Pour lui, la grande mutation que vit notre économie mondiale est sans conteste son arrivée dans une ère de déclin industriel. Nous entrons dans une économie de services, du fait de la saturation des besoins industriels. Il ne reste dans le monde que 15 % des emplois liés de près à l’industrie, 30 % si on y ajoute les emplois induits. Le plus spectaculaire est la transformation de la Chine qui devient très brutalement une économie de service, expliquant à elle seule 80 % du ralentissement industriel du monde ; la demande intérieure de service est devenue le moteur économique chinois. Au passage, l’impact sur ses réserves de change est important : elle ne finance plus le déficit US, c’est désormais l’Allemagne qui s’en charge.

Qu’en est-il de l’industrie en France ? Notre chance est d’avoir des champions dans des secteurs encore en croissance, comme l’aéronautique ou le luxe, à la différence de l’Allemagne qui voit ses fleurons de la machine-outil ou de l’automobile bien affaiblis .

Mais le fait que l’industrie souffre est compensé par plusieurs facteurs de résistance : en premier lieu, le faible taux de défaut dans le monde, qui concerne aussi bien les ménages que les entreprises. Il est à rapprocher bien sûr des taux bas, dans un contexte où l’on assiste aussi au maintien des marges, en partie du fait d’une plus faible évolution des salaires. Faut-il s’inquiéter comme beaucoup le laissent croire de l’augmentation des droits de douane décidée par Donald Trump ? C’est un faux problème : elle ne concerne que 0,1 % du commerce mondial et ne représente  que des taxes additionnelles, appelées à terme à revenir dans l’économie américaine.

A côté de la question de la désindustrialisation, c’est la question des taux bas et leur maintien dans le temps qui mobilise l’attention de tous les acteurs économiques.  Nul ne peut se prononcer sur une évolution qui devra plus aux politiques qu’aux théories économiques, particulièrement mises à mal actuellement. Impossible dans ce contexte d’opérer des valorisations, impossible de s’appuyer sur des calculs actuariels qui nous ramènent toujours à l’infini… Dans ces conditions, une acquisition à 12 1/2 fois l’ EBITDA n’est finalement pas si chère !

À ceux qui s’interrogent sur l’origine de ces taux bas, deux écoles apportent une réponse. Pour les uns, il y aurait trop d’épargne. Pour les autres, ils sont avant tout dus aux politiques des banques centrales. C’est cette deuxième explication que semble préférer Patrick Artus. Ainsi, au plan européen, Madame Lagarde aura la difficile tâche d’arbitrer entre un maintien des taux bas qui ménagerait la dette publique de l’Italie (et sa relative stabilité) ou une remontée des taux qui relancerait l’économie européenne, moyennant  des coûts associés qui seraient violents.

La solution tiendra peut-être dans une très lente et délicate remontée des taux.

En conclusion, Patrick Artus invite à suivre l’évolution des politiques et particulièrement la possibilité de retour de gouvernements  de gauche pourraient (plus que des populistes) , sous la pression de populations lasses des trop bas salaires, un peu partout dans le monde. Au premier plan, du côté des États-Unis, où une Elisabeth Warren prône une politique de remontée des salaires, des prestations sociales et de santé.. avec, comme corollaire, une remontée des taux. L’autre sujet qui pourrait affecter en profondeur  l’économie mondiale, c’est la transition énergétique. Si la pression des jeunes générations venait à l’accélérer fortement, en dépassant très largement le seuil des 300 milliards d’euros d’investissements en faveur des énergies renouvelables, les conséquences seraient considérables :  à court terme, une destruction de capital (nos centrales , industrie automobile ..) passage obligé avant une nouvelle phase de croissance.